Fertilisation organique en hors-sol L’expérimentation au service de meilleures pratiques
Les résultats du programme d’Astredhor OptiFAz permettent de donner des solutions concrètes afin de mieux maîtriser les apports d’azote organique pour les cultures en pots et conteneurs.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Le recours aux fertilisants organiques se développe, y compris en cultures hors sol, notamment en ornementales, en plantes aromatiques ou en jeunes plants maraîchers. Il est même incontournable pour respecter le cahier des charges de l’agriculture biologique.
Si la dynamique de minéralisation de l’azote organique est bien documentée en cultures pleine terre, ce n’est pas le cas en hors-sol, où la qualité des substrats ainsi que les paramètres environnementaux ont plus d’influence. Les résultats du projet OptiFAz, qui s’est terminé en décembre dernier, en cours de publication, livrent des données essentielles sur ce sujet, largement évoqué au cours de la journée technique organisée au Ratho (station Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes), situé à Brindas (69), par Sophie Bresch, d’Astredhor Loire-Bretagne, CDHR Centre-Val de Loire, le 1er juillet 2021.
La fertilisation organique n’est pas sans conséquences
Contrairement à la fertilisation minérale, la fertilisation organique apporte des éléments qui ne sont pas directement assimilables par les plantes. Cela concerne particulièrement l’azote et le phosphore. Ceux-ci doivent subir un processus de minéralisation par les micro-organismes du sol ou du substrat, notamment les bactéries. Leur activité dépend de plusieurs paramètres dont, en premier lieu, la température et l’humidité.
L’utilisation de fertilisants organiques n’est donc pas sans conséquences agronomiques ni environnementales. En effet, en hors-sol, le processus de minéralisation de l’azote organique dans les supports de culture est complexe et toujours mal caractérisé. Les références disponibles issues de situations de culture en pleine terre (sols) ne sont pas transposables directement aux cultures hors sol du fait de grandes différences dans les propriétés physiques des différents substrats horticoles, de leur faible activité biologique et des contenants soumis à de fortes amplitudes de température comme d’humidité.
Aussi conduire une culture hors sol 100 % organique peut poser quelques difficultés. De nombreux problèmes de disponibilité de l’azote, ou au contraire d’excès de salinité, conduisent dans le premier cas à des diminutions de croissance des plantes (exemple : blocages de minéralisation sur des cultures à froid) et, dans le deuxième cas, à des phytotoxicités (des accidents de culture par excès de minéralisation en période chaude sur cultures sensibles, par exemple) ou encore à des lessivages d’éléments fertilisants (nitrates).
Deux phases de minéralisation de l’azote
La minéralisation de l’azote organique est un processus biologique sous l’influence de paramètres environnementaux. Elle se réalise en deux phases : la transformation de l’azote organique en azote ammoniacal NH4+ (ammonification) et, dans un second temps, passage de l’azote ammoniacal à l’azote nitrique NO3- assimilable par les plantes (nitrification). Température, humidité-aération du substrat, pH sont les différents facteurs qui agissent sur l’activité des micro-organismes, donc sur la minéralisation.
De plus, il a été démontré que seule une partie de l’azote de l’engrais organique sera effectivement disponible pour les végétaux. Concrètement, un kilo d’azote organique n’équivaut pas à 1 kg d’azote minéral (équivalence de seulement 30 à 70 %). L’étude OptiFAz confirme ces données : sur tous les couples substrat-engrais testés, 40 à 70 % de l’azote total est minéralisé (en conditions optimales, température de 28 °C et substrat légèrement humide, pF 1.7).
La température, premier paramètre d’influence
En hors-sol, les substrats sont soumis à de fortes amplitudes de température, de 0 à 40 °C, voire plus en période de canicule, avec des moyennes journalières pouvant varier d’une dizaine de degrés en seulement quelques jours, données qu’on ne rencontre pas en pleine terre.
Les températures très froides comme très chaudes limitent la minéralisation complète de l’azote organique. Les incubations en laboratoire ont montré qu’elle :
- est très faible à 4 °C ;
- augmente légèrement à 10 °C ;
- s’élève significativement à 20 °C ;
- atteint son maximum à 28 °C ;
- est plus faible à 40 °C qu’à 20.
Toutefois, les phases d’ammonisation et de nitrification ne vont pas tracer des courbes identiques. Les températures basses et élevées limitent surtout la nitrification (NH4 vers NO3). La phase d’ammonisation (N vers NH4) suit une courbe différente. Elle est faible à 4 °C, puis, plus la température monte, plus elle est forte et brève, avec un pic d’intensité à 40 °C.
En début de culture, la phase d’ammonification est toujours plus intense que la phase de nitrification. Aussi, quand les conditions sont défavorables à la nitrification, principalement lors de périodes chaudes, voire très chaudes, il y a une importante accumulation d’azote ammoniacal dans le substrat, avec un risque fort de phytotoxicité, essentiellement dans les sept premiers jours.
Attention à l’arrosage et au pH
On constate une tendance à une minéralisation plus faible en conditions humides, contrairement aux références de pleine terre. La minéralisation est optimale sur substrat légèrement humide (pF 1.7 à 2). L’arrosage, sa quantité et son mode (localisé ou aspersion) constituent un levier important sur la minéralisation : il ne faut pas arroser à l’excès. Un substrat trop humide entraîne aussi un lessivage des nitrates. Un substrat peu aéré (taux de remplissage de la porosité supérieur à 80 %) peut conduire, par manque d’oxygène, à un blocage de la nitrification, voire à des risques de dénitrification (conditions anaérobies) et une accumulation de NH4, pouvant générer une phytotoxicité.
Le pH des substrats, souvent acide, peut également être un facteur limitant. L’idéal pour une minéralisation et une assimilation optimales des éléments par la plante se situe à des pH entre 6 et 6,5.
Comparée à un sol, la vie microbienne des substrats est très faible, voire inexistante. D’où la nécessité d’ajouter un inoculum pour activer la minéralisation. Les essais ont montré qu’apporter 10 % de terre végétale au mélange substrat-engrais améliorerait significativement la minéralisation de l’engrais organique, ce qui reste impossible dans la pratique...
Pilotage d’une culture en itinéraire 100 % organique
Pour les cultures de cycle court (quatre à six semaines), un engrais de fond mélangé au substrat est généralement suffisant.
Pour combler les besoins des cultures de cycle long (supérieur à huit semaines), la fertilisation de fond doit être accompagnée d’une prise de relais en cours de culture : deux à trois surfaçages par cycle ou des apports d’engrais organiques liquides hebdomadaires.
Un test sur une culture d’aromatiques (persil et oseille) mise en culture en mars avec un engrais de fond 100 % organique a montré des premiers symptômes de carence après dix à douze semaines seulement. Étant donné le délai de minéralisation d’un engrais organique, le besoin de prise de relais se situe bien en amont (à partir de six à huit semaines, en fonction de la saison).
Des outils pour anticiper les symptômes de carences
La mesure de la conductivité d’une solution extraite du substrat donne des indications importantes, mais pas suffisantes sur l’état de minéralisation de l’azote.
Aussi, pour permettre d’anticiper les besoins des plantes et éviter tout début de carence, plusieurs outils ont été testés par Astredhor. Ils permettent de mesurer :
- le taux d’azote ammoniacal. L’outil RQ Flex R, utilisable en début de culture, peut constituer un bon indicateur d’un blocage de la minéralisation (nitrification) ;
- le taux d’azote nitrique. Le boîtier Nitrachek R, ou l’outil RQ Flex R de nouveau, donnent des mesures qui reflètent plutôt fidèlement les quantités disponibles pour la plante.
D’autres outils ne donnent pas d’indications sur le bon déroulement de la minéralisation mais mesurent le taux de chlorophylle dans le végétal, directement corrélé à la teneur en nitrates. Ils peuvent détecter une décoloration dans la plante avant qu’elle ne soit visible à l’œil nu, aidant à anticiper un début de carence. La pince Apogee MC-100 R mesure la teneur en chlorophylle, avec lecture directe. Elle permet de suivre l’évolution de la valeur moyenne dans le temps en comparaison avec une référence optimale (généralement une culture témoin en fertilisation minérale). Enfin, le boîtier N-Tester R affiche la teneur en chlorophylle avec une lecture indirecte, mais le procédé nécessite un abaque par espèce.
Claude ThieryPour accéder à l'ensembles nos offres :